Recueil des chapitres déjà parus de la Nouvelle "Les pralines ont goût de fer"

Les Pralines ont goût de fer
Chapitre un

Le premier coup tombe. Un coup droit, direct, porté de face, qui me fait chanceler; aussi sec, je suis attaqué par le flanc gauche; à peine le temps de me protéger qu'un autre coup porté par la droite m'envoie au tapis. Je rassemble mes forces et je serre les fesses, en priant pour que ça passe.
Depuis quatre ans que je joue tous les soirs aux échecs avec Andismïr, ancien capitaine de l'équipe des flèches sanglantes, je n'ai jamais gagné une seule partie; ce soir encore, je subis de tous les côtés, et mon roi sera bientôt à découvert.
"Je n'irais pas jusqu'a dire que tu joues bien, mon ami, mais tu progresses, tu progresses..." me dit-il de sa douce voix feutrée, qui rendrait un nain aussi doux qu'un chat. "N'oublies jamais, toi qui va jouer au Blood Bowl, désormais; la stratégie, mon petit, la stratégie est nécessaire... tu as de la chance, je le sais; mais n'oublie jamais ta stratégie... Personne ne sait ce qu'il peut arriver à ton coach, et si il venait à s'absenter, tu te retrouverais bien démuni sans une once de stratégie... Allez, va dormir. Et bon courage pour demain. "
Il est marrant, Andismïr. Comment veux-t-il que je dorme ? Car en effet, demain verra le début de ma carrière au sein des Frelons de Herdrast, une équipe exclusivement humaine formée à l'initiative d'un généreux donateur au nom inconnu... Je suis Peter Berdarty, le neveu du grand Griff Oberwald, et demain sera le jour de ma mise à mort. Avant de me coucher, je feuillette à la lueur de ma bougie le dernier numéro du Onze Mortel qui fait déjà la première page de mes futurs exploits, moi, connu avant même mon premier match, futur "Blitzer de talent", comme dit le journaliste... Au détour d'une publicité, je tombe sur la page de la rubrique nécrologique qui fait état des disparus de la semaine.
Ma gorge se noue.
Je ne dormirai pas ce soir.

Le premier coup tombe. Un coup droit, direct, porté de face, qui me fait chanceler; aussi sec, je suis attaqué par le flanc gauche; à peine le temps de me protéger qu'un autre coup porté par la droite m'envoie au tapis. Je rassemble mes forces et je serre les fesses, en priant pour que ça passe.
Ce n'est pas une partie d'échecs.
CE N'EST PAS UNE PARTIE D'ECHECS, MERDE !!!
Mes tortionnaires sont trois. Et très appliqués. Le premier est un orc noir de taille plus que respectable, qui tape comme on éduque un nain; à grands coups sur le crâne. Le second est un blitzer déjà réputé du nom de Kra'gg, l'orfèvre du démembrement; je me souviens avoir vu sa photo dans un article signalant la mort de son frère, Grur'k le Gros, tué par mon glorieux oncle; il pleurait. Il ne pleure plus du tout. Le troisième de mes bourreaux est un gobelin; on a beau dire que les gobelins sont des faiblards dégénérés, celui-ci distribue les coups de pied dans les tibias comme personne.
Ramassé au sol, roué de coups, je me souviens de la mise en garde de notre coach :"Bon, petit, n'oublie pas; je veux pas que tu te blesses, et les orcs d'en face sont pas des manches; si jamais t'as un problème, on te fera sortir... faudrait pas que notre nouvelle star se fasse mettre en pièces dès son premier match, hein ?" Il m'avait donné une grande claque dans le dos, en souriant de toutes ses dents, sous sa moustache de morse... Maintenant, ses dents sont répandues un peu partout sur le terrain, comme sa moustache, d'ailleurs, comme ses tripes, aussi... Une fois qu'ils ont compris que c'était le coach qui faisait sortir leurs punchings-balls préférés, les orcs ont décidé à l'unanimité qu'il ne donnerai plus jamais de conseils à son équipe...
Et me voilà, moi, au milieu de la mêlée, avec trois peaux-vertes sur le dos... Je ne sais pas où en est le score, je ne sais pas depuis combien de temps on joue, je ne sais pas combien de mes coéquipiers sont encore en vie... Et d'ailleurs je m'en fous, il faut que je me sorte de là, bordel !
L'énorme main caleuse de l'orc noir me sort de mes réflexions en même temps que du sol, et me soulève à vingt bons centimètres du sol; Kra'gg en profite pour m'envoyer un formidable uppercut au foie, comme dans les livres; sous l'effet de la douleur je me plie en deux, mais la poigne de la brute m'empêche de me baisser; c'est donc un pur hasard si mes jambes se relèvent pour cueillir le gobelin au menton; il s'affale dans la boue, les bras en croix... Sans doute pour me signifier mon arrêt de mort; ses deux comparses semblent enrager devant ce triste spectacle, je vois l'éclat d'une griffe en métal ... Bordel, ils vont me tuer ! ILS VONT ME TUER !
TRIIIIIIIiIIIIiIiiiiIIIIIIIT !
Quoi Trit, quoi trit ? Les deux orcs semblent hésiter, puis me lâchent en grommelant; d'un geste, Kra'gg balance le gobelin toujours inanimé et va le jeter dans la fosse, à côté d'un autre gobelin équipé d'un tablier couvert de sang séché, d'un stéthoscope, d'une paire de pinces et d'une tronçonneuse.
De mon côté, je me relève péniblement, et j'aperçois du coin de l'oeil le tableau des scores; je comprends enfin que je viens d'être sauvé par Joseph d'Artois, le receveur de l'équipe, qui a profité de la mêlée générale pour chiper le ballon à l'autre gobelin de l'équipe adverse et est allé marquer le touchdown qui m'a permis de survivre. Je le remercierai bien, mais le plus gros ( et le plus sale ) des orcs noirs de l'équipe adverse a apparemment pris cette action comme une insulte personnelle, et achève maintenant le boulottage en règle du bras gauche de Joseph qui gît quelques mètres plus loin. Mon coup d'oeil m'apprend également que l'équipe adverse est celle des "Ekaris’soeur" et que nous menons actuellement 1-0... et qu'il reste encore une bonne demi-heure à jouer...
Je jette un coup d'oeil à mon équipe; apparemment Joseph et moi ne sommes pas les seuls à avoir souffert; nous ne sommes plus que sept plus ou moins debout... seul William, le capitaine de l'équipe, ne semble pas atteint; mieux, il rayonne, et m'adresse son plus franc sourire. Je me dirige du mieux que je peux vers lui. En chemin, je regarde la gauche des tribunes, et je vois mon oncle Griff, stoïque comme à son habitude, à côté de sa soeur, ma mère, qui s'est évanouie depuis bien longtemps maintenant.
" - Alors, Bertardy, ça te plait le Blood Bowl ?
- Heu...
- Tu tiens le choc, c'est bien ! D'habitude, les nouveaux sont déjà dehors à ce niveau là du match ! Bravo !
- Content de l'apprendre...
- Bon ! C'est pas tout ça, mais c'est à nous d'engager maintenant ! Je vais botter la balle ! Les gars, on est encore sept, on se met en position ! Je veux un homme de chaque côté, et un autre entre la ligne et moi ! Rosier, à gauche ! Gevonen, à droite ! Boutell, devant moi ! Les autres, devant ! "
Je tente tant bien que mal d'assimiler ce que vient de dire William. Si je comprends bien, je suis devant.
" - Doris, Borell, Bertardy, vous êtes bouchés ? Sur la ligne, et que ça saute ! Bertardy au milieu, et vous autour ! "
Il veut ma mort, cet enfoiré. Je n'y crois pas... je regarde Doris et Borell. Leurs têtes veulent tout dire; on jurerai qu'ils égrènent un chapelet. J'espère ne pas avoir l'air aussi con qu'eux, mais je n'y crois pas trop. Rosier me regarde avec un sourire narquois sur le visage. Il faudra que je pense à lui en coller une, si je suis en état de le faire à la fin du match.
Encore une fois mes pieds ont marché tout seuls pendant que je réfléchissais. Je suis sur la ligne. Les orcs ne sont pas encore placés; ils sont autour de leur coach, un ancien passeur des Gouged Eyes, qui gueule plus fort que tous les supporters réunis. Il doit être en train de décider qui aura le droit de taper en premier... Doris a déjà l'air mort, et Borell chiale comme un gosse; moi je ne sais pas trop quoi faire... alors j'attends.
Ah... ça y est. Les orcs se mettent en place; je vois Kra'gg se placer sur l'aile droite... le gobelin qui me martelait les tibias ne rentre pas... et les voilà, les trois orcs noirs de l'équipe, qui s'avancent vers nous en rigolant; je repère mon tortionnaire; à ma grande joie je le vois se placer en face de Doris, que je n'ai jamais vu aussi pâle. Le plus gros des trois, le short de Joseph coincé à une dent, se place devant Borell qui est en train de regretter amèrement l'époque où il portait encore des couches; et le troisième, relativement petit pour un orc noir ( seulement deux mètres dix ) se place légèrement à ma gauche...
Je ne comprends pas; pourquoi ne me marquent-ils pas ? Un coup de chance ? Un oubli ? Un graissage de patte de la part des sponsors ?
Oh...
Non.
Je comprends maintenant.
Mon nez fut le premier à me le signaler.
Le troll de l'équipe vient de se placer devant moi.
Il a un grand sourire sur le visage, d'une oreille à l'autre.
Il lève sa main de la taille d'une luge et me fait un petit coucou.
Je repense à Andismïr; ce connard s'est bien foutu de ma gueule avec ses histoires d'échecs.

Les Pralines ont goût de fer
Chapitre deux.


Comment est-ce arrivé ?
Comment moi, Peter, que rien ne destinait au sport, suis-je arrivé devant cette montagne verte aux senteurs exotiques ?
Devant moi, le troll rigole gentiment, avec un soupçon de pitié; il me regarde presque avec douceur. Ou alors comme une douceur. L'un ou l'autre, je ne veux pas savoir.
Je jette un œil à l'elfe qui nous sert d'arbitre. Étant donné que personne n'arrive à l'attraper pour lui faire valoir son point de vue, il est indemne, lui.
Il va siffler. Je me baisse.
Il siffle.
Je saute.
Je saute si vite que le troll est pris de court; toujours occupé à se curer le nez, il n'esquisse pas le moindre mouvement. Son voisin orc noir se jette sur moi mais me rate et s'étale de tout son long; quand à moi, je ne réfléchis pas, je fonce. Je dépasse Borell qui me regarde comme on regarde un fou, et je fonce droit sur Kragg.
"-Gevonen, aide-moi, on le cogne !"
Gevonen, que sa haute stature n'a d'égale que la largeur de ses épaules, me fait signe qu'il a compris et attrape le bras gauche de Kragg.
J'arrive à une telle vitesse que je comprend à peine ce qui se passe.
Je percute Kragg à la poitrine avec mon épaule; comme Gevonen le tient toujours, l'orc pivote et se retrouve propulsé sur le premier rang de la foule; le je vois atterrir sur le sandwich d'un ogre qui n'a pas l'air d'apprécier; mais la santé de cet enflure n'est pas mon souci majeur. A ce moment, un éclair de lumière dû à un reflet du soleil sur une des pointes du ballon m'indique que celui-ci file vers la ligne adverse, juste devant nous.
"-Gevonen, suis-moi ! On y va ! Cours !"
Pas besoin de lui répéter; il est déjà parti et n'a d'yeux que pour le gobelin vers lequel la balle file. Soudain, j'entends deux cris.
"-FONCEZ LES GARS !!!
-AAAAARGheuoaa..."
Toujours courant, je me retourne suffisamment longtemps pour voir que le premier cri était de William, qui nous rattrape comme il peut; le second était de Borell qui se trouve à présent sous les fesses du gros orc noir qui a toujours le short de Joseph accroché à sa dent; profitant du trou laissé par moi et Borell, je vois le troll se jeter sur William et deux blitzer se ruer dans ma direction.
"-Donne-moi ça mon petit tas de merde !
-Fishmoilapai ! Rhaaa ! Imbéssssill ! FishmoilapAïe..."
Je regarde à nouveau devant moi et je vois Gevonen qui a attrapé le Gobelin par les pieds et s'en sert maintenant pour taper sur le crâne du lanceur orc qui s'était approché d'un peu trop près. Décidément, quel joueur, ce Gevonen... Laissant de côté d'admiration que ce spectacle me suscite, j'aperçois la balle qui est en train de rebondir vers les tribunes...
Oh non...
Non...
Non, merde, ne me dites pas qu'on a fait tout ça pour rien !!!
Dans un ultime rebond, le ballon sort et file droit dans le public.
C'est foutu.
Je suis la balle des yeux.
Je n'arrive pas à les croire.
La balle a atterri dans les mains de mon oncle, les mains de Griff Oberwald.
Il me regarde, l'air grave.
Puis, pour la première fois depuis le décret de la règle interdisant aux géants de givre de jouer, je le vois sourire.
Il m'envoie la balle, droit dans les mains.
Je l'attrape et je ne réfléchi plus.
J'y suis.
J'ai réussi.
TRIIIIT !
J'ai marqué.
"-TOUCHDOWN ! LES GARS? VOUS AVEZ VU ? VOUS AVEZ..."
Ma liesse est interrompue par le poing ganté d'acier d'un des blitzers orcs.
Je décolle de quinze bons centimètres dans les airs; et en retombant, ma tête heurte un panneau de publicité pour la bière Bugman.
Tout est noir.

Je suis dans une salle aux murs blancs. Tout est blanc... c'est donc ça, le paradis...
"-Ah, te voilà réveillé..."
Je tourne péniblement la tête pour voir mon interlocuteur.
"-Andismïr... Qu'est-ce que tu fous au paradis ?
- Mon ami, tu n'est qu'a l'infirmerie, il t'en faudra plus pour mourir...
-Qu'est-ce qui m'est arrivé ?
-Une bête commotion... Ne t'inquiète pas. Bravo pour ton match...
-Ah... merci... au moins on a gagné le match...
-Euh... non.
-Quoi ???
-En fait, après que tu aies été mis KO, il n'y avait plus que Rosier, William et Gevonen en état de jouer... Doris a la clavicule en miettes, Boutell la jambe cassée... Et Borell est mort, comme Joseph.
-Oh...
-Et à trois, il n'ont pas résisté longtemps... Au moment ou tu as marqué, Gevonen avait réussi à échapper au troll, mais il lui est retombé dessus un peu plus tard, et il s'est fait assommer. Quand il a vu ça, Rosier a démissionné.
-Ah...
-William aurait bien continué tout seul, remarque, le connaissant; mais l'arbitre a arrêté le match en déclarant qu'il fallait au moins deux joueurs dans l'équipe.
-D'accord..."
Alors nous avons quand même perdu... Bon sang, tout ça pour rien !
"-Dis moi, Andismïr, qu'est-il arrivé à Kragg, l'orc que j'ai envoyé sur le sandwich d'un ogre ?
-Ah... je me demandais quand tu allais me poser la question. Disons que l'ogre a estimé que, comme dit le proverbe, "Qui ôte le pain de la bouche doit nourrir"...
-Et...?
-Tu veux que je te fasse un dessin ? Il a fini en paupiettes.
-Ah...
-Mais j'ai une bonne nouvelle pour toi, mon ami. Figure toi que l'équipe est dissoute.
-C'est une bonne nouvelle, ça ?
-Oui ! Car figure toi que tu as été repéré par le capitaine des Reikland Reavers, qui te veut dans son équipe junior, avec Gevonen.
-Ah...
-C'est tout l'effet que ça te fais ?
-Laisse moi-dormir."
Je me retourne pour lui clouer le bec. L'équipe junior des Reikland Reavers ? Et puis quoi encore ? Déjà que je n'aurai pas marqué sans mon oncle Griff, je ne vais pas jouer dans la même équipe que lui... Même si il n'est pas dans l'équipe junior...
Si.

sympa Kador, j'avai jamais pris le temps de lire mais c'est cool